Interview French Fred Mortagne

Interview avec Fred “French Fred” Mortagne, Videaste et Photographe

13 Decembre 2021

Fred Mortagne est un des vidéastes les plus reconnus dans le monde du skateboard grâce aux films qu’il a réalisés au début des années 2000, comme Menikmati, Sorry ou encore Bon Appétit. Des films qui ont fait sa renommée mondiale, mais celui qu’on surnomme French Fred s’impose depuis plusieurs années dans la photographie noir et blanc. C’est lors de la soirée de lancement du numéro spécial de Subterraneo Mag, mettant en avant sa photographie urbaine, que nous avons rencontré le vidéaste/photographe originaire de Lyon. L’occasion de discuter de Menikmati, du rôle de filmeur dans le skateboard et de la transition de la vidéo à la photo.
Here’s the link for the English version of the interview.
Quand t’as produit Menikmati pour éS en 2000, tu pensais que cette vidéo deviendrait aussi légendaire ? Qu’on en parlerait encore vingt ans après ?
Evidemment non, je trouve ça génial que vingt ans après on m’en parle encore beaucoup. Jamais j’aurais pu anticiper ça, surtout que le skate est quand même beaucoup marqué par des époques, par des modes… J’étais persuadé que dans la vidéo, les projets dureraient pas vraiment dans le temps et c’est pour ça que je me suis mis à la photo, que j’ai fait des photos intemporelles, des trucs en noir et blanc, pas marqués d’une époque. J’avais cette envie de créer des choses qui se démoderaient pas et je pensais que les vidéos allaient complètement se démoder, donc ça fait plaisir de voir qu’elles ont marqué son époque et qu’elles ont marqué les esprits.
Quasiment toutes les musiques sont instrumentales dans Menikmati, tu penses que c’est un des ingrédients qui fait que cette vidéo a vraiment bien marché ?
Dans toute ma carrière, j’ai toujours mis en priorité des morceaux instrumentaux. Je trouve que quand il y a des paroles, ça peut prendre beaucoup de place. J’utilise la musique comme une ambiance, je cherche à créer une symbiose entre le montage et les images. Après tu peux pas prendre n’importe quelle musique pour un skateur. Il y a une rythmique qui colle ou qui colle pas et souvent les skateurs veulent utiliser leurs morceaux préférés, mais en fait c’est jamais le cas parce que ça marche pas quoi !
Interview French Fred Mortagne Jeremie Daclin
Jeremie Daclin sur un parking de Tokyo. Photo de Fred Mortagne.
C’est marrant que tu fasses de la photo noir et blanc parce que je me souviens que les vidéos de skate importées des Etats-Unis, on les voyait en noir et blanc et pas en couleur en Europe à cause du format pal/secam, c’est un clin d’œil sympa.
Des fois quand je me demande d’où vient le noir et blanc, c’est que toutes les cassettes que je copiais vers le secam étaient en noir et blanc. J’ai vu plein de vidéos de skate en noir et blanc et je m’étais pas rendu compte à quel point ça avait pu me marquer dans ma production de photos.
Avec le skateboard aux Jeux Olympiques, on a vu arriver les entraineurs pour les skateurs, mais au final, c’est pas plutôt le filmeur l’entraîneur ?
Très tôt, les marques m’ont souvent demandé : « Est-ce que tu peux être team manager en même temps ? », je répondais : « Non, y’a pas moyen ! », j’ai toujours refusé, c’est deux boulots différents puis c’est trop intense. Mais c’est vrai que le filmeur et le team manager, c’est ceux qui doivent tout le temps être avec les skateurs. Le filmeur joue vraiment un rôle de motivation pour les skateurs, si t’es juste là pour filmer sans interaction, c’est mort ! Y’a des fois, c’est même grâce aux filmeurs que les tricks se sont faits, à un certain moment t’as senti que le skateur était pas loin de le faire et là il lui fallait la petite motive en plus, et ça c’est vraiment un rôle important des filmeurs.
La part d’Eric Koston dans Menikmati, produit par Fred Mortagne.
Avec les réseaux sociaux et les clips de skate super courts, t’es nostalgique des vidéos de skate long-format ?
C’est des époques différentes. J’avais plus trop envie de bosser sur des projets longs, justement on passait seize mois, deux ans sur un projet. Y’avait beaucoup de temps perdu, beaucoup de temps à attendre, à shooter des trucs que tu vas pas utiliser, donc je préférais bosser sur des projets courts pour pas brider ma créativité, pas me limiter dans une énergie. Après c’est sûr avec un long projet, tu montres pas la même chose, tu peux aller plus en profondeur sur des trucs. Mais ouais, ça reviendra peut-être aussi.
Sinon tu t’intéresses aux graphismes de skateboard ?
Pas tant que ça ! Pas tant que ça parce que je suis moins dans le truc visuel des boards. Je vais être plus sensible si c’est des photos, des photos noir et blanc, ça attire mon œil. J’aime les choses un peu simples, minimalistes, alors quand c’est des décos, surtout un peu cartoon, avec beaucoup de dessins colorés, je suis moins fan, ça me parle moins. Evidemment aussi comme je recherche une esthétique assez épurée dans mon travail, quand un mec il a une board super chargée avec plein de stickers, j’suis là : « zut » [rires].
Interview French Fred Mortagne Brandon Westgate
Brandon Westgate dans un aqueduc de Californie. Photo de Fred Mortagne.
Si tu devais choisir qu’un seul médium, tu garderais la photo ou la vidéo ?
J’essaye d’être que dans la photo, mais plus j’essaye de m’éloigner de la vidéo, plus on me demande d’en faire [rires]. Je vais toujours faire les deux, c’est complémentaire. Mais c’est juste que j’ai moins envie de faire du montage parce que c’est super long.
Aussi parce que tu peux facilement et rapidement montrer des émotions, montrer ton travail avec une photo plutôt qu’avec une vidéo.
Ouais ! Après ça me manquerait de plus faire de vidéos de skate. Bosser avec de la musique, j’adore, des fois c’est vraiment la motivation numéro un. T’as un morceau et c’est savoir comment je le mets en forme, je le monte, comment je trouve la rythmique, j’aime faire ça !
C’est quoi tes projets pour 2022 ?
Déjà 2021, c’est pas encore fini ! J’ai encore un montage à faire pour Antiz, j’en ai déjà fait un cette année donc j’en ai un autre à boucler. Je fais aussi une pub pour Quiksilver avec Javier Mendizabal, avec qui j’ai beaucoup bossé et que j’adore, donc c’est cool.
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